NOUVEAU : TESTEZ VOS CONNAISSANCES


  1.                     Cours :      Que faut-il attendre de l'Etat ?

L’Etat fait l’objet d’appréciations contradictoires que résume bien la citation de Paul Valéry : « si l’Etat est fort, il nous écrase ; s’il est faible,  nous périrons ».  D’un côté, l’Etat  a pour rôle d’organiser la vie en société par l’intermédiaire des institutions et des lois  et donc de maintenir la société dans un certain ordre (le terme Etat  vient du latin « stare » qui signifie se maintenir, tenir debout) mais l’Homme aspire aussi au respect de ses droits et libertés et c’est également vers l’institution étatique qu’il se tourne pour les défendre. On peut alors se demander si cette double exigence d’ordre et de justice ne sont pas contradictoires car la force est rarement juste et la justice reste souvent désarmée. Comment l’état pourrait- il alors établir l’ordre, en utilisant au besoin la force et malgré cela devenir le défenseur de la justice et   du droit ?  Ceci conduit à s’interroger sur la  légitimité  du pouvoir  de l’Etat, sur ses finalités  mais aussi sur l’attitude que le citoyen doit adopter face  au  pouvoir.

 

PLAN

 

I/ Nature et forme du pouvoir de l’Etat

 

a)      Définitions

 

b)      Les trois formes de pouvoir ( attention #  législatif, executif, judiciaire)

 

II /La  légitimité de l’Etat

 

a)      L’Etat assure la sécurité   : Hobbes

 

b)      L’Etat garantie la liberté : Rousseau

 

III/  Les remises en  cause de l’Etat

 

a/ L’Etat = outil d’exploitation Marx

 

b /L’Etat  = mensonge   Nietzsche

 

IV / Le rôle du citoyen

 

Actif plutôt que passif   - Alain (EmileChartier) : le citoyen contre les  pouvoirs

 

 

 I QU’EST-CE QUE L’ETAT ?

 

 

 NATURE DE L’ETAT : 

 

 

L’Etat  désigne dans son sens usuel un territoire  sur lequel s’exerce un pouvoir commun  qui organise la vie des individus. (La France, l’Allemagne, l’Italie sont des Etats) mais l’Etat désigne plus précisément un mode particulier d’organisation du pouvoir. On dit alors que  l’Etat est l’ensemble des institutions (politiques, juridiques, militaires, administratives) qui organisent une société sur un territoire donné.

  

Explications :

 

La notion d’Etat suppose premièrement la permanence du pouvoir : en effet l’Etat n’apparait que lorsque le pouvoir s’institutionnalise,  c’est-à-dire à partir du moment où dans une société on trouve des lois et des règles qui ont été écrites établissant  ainsi une constitution. Celle-ci définit les principes de l’autorité  et de l’exercice du pouvoir indépendamment de l’individu qui exerce ce pouvoir (même s’il est fréquent que le Chef d’Etat institue ou transforme les règles du pouvoir).

 

 

LES FORMES DU POUVOIR

  

Le pouvoir de l’Etat ne s’identifie pas au pouvoir d’un homme fut-il un grand dirigeant. Les Cités grecques sont en ce sens des Etats même si le mot n’apparaît dans cette signification  qu’au 15ème siècle puisque les Cités possèdent une constitution écrite et que la mort du chef n’est pas censée mettre fin à  l’Etat lui-même.

 

  

Ainsi Pierre Clastres dans son œuvre la Société contre l’Etat   distingue trois pouvoirs :

  

1/ Le pouvoir charismatique qui est lié à l’influence, à l’aura d’un individu.

 

2/ Le pouvoir traditionnel : c’est le pouvoir anonyme et diffus des coutumes liées à la morale et aux croyances d’un groupe d’hommes. (Ces règles sont souvent non écrites)

 

3/ Pouvoir de l’Etat : un pouvoir institutionnel.

 

 

Pierre Clastres a montré que dans les sociétés Amérindiennes, le Chef n’a pas le pouvoir « de faire la loi » mais qu’il doit faire vivre les coutumes du groupe sous peine de représailles. Il est surtout perçu comme celui qui doit résoudre les conflits et garantir  la paix, il n’a donc pas pour fonction d’exercer une quelconque force coercitive. Son influence est morale. Il parle au nom des ancêtres, des esprits.

   

A l’inverse le pouvoir de l’Etat dans nos sociétés s’est considérablement renforcé au fil du temps pour culminer en Europe avec l’établissement des monarchies (ex: Louis 14) comme le montre l’historienne Blandine Kriegel dans son livre :  La société et les esclaves. L’Etat a dès lors des prérogatives en matière d’armée, de police et de Justice. Ce sont d’ailleurs les pouvoirs que l’on appelle encore aujourd’hui les pouvoirs régaliens (du roi).  L’Etat dispose également du monopole de la force, ce que Max Weber énonce dans une formule restée célèbre :  « L’Etat a le monopole de la violence légitime ». (Ce qui semble être un oxymore, la violence n’étant pas en soi une chose que l’on peut considérer ordinairement comme légitime).

 

 

 

C’est précisément en tant que l’Etat dispose de la force coercitive pour faire obéir les individus à ses lois que se pose le problème de sa légitimité. L’Etat ne serait-il pas l’outil de la domination des plus forts sur l’ensemble des hommes qui composent la société ?

  

II / La légitimité de L’Etat

 

Le bien-fondé de l’Etat est souvent établi à partir de la prise en compte avantages, des bénéfices qu’il est censé apporter à l’homme en comparaison des contraintes qu’il peut créer. On  pourra insister sur son rôle pour la sécurité (HOBBES), la garantie de la propriété (LOCKE) et même la défense de la liberté sous certaines conditions. (ROUSSEAU) ou encore la réalisation d’une  forme de société qui atteint un haut niveau de rationalité  (Hegel). Nous allons exposer les thèses de Hobbes et de Rousseau.

 

 

 

  1/ L’Etat apporte la sécurité.  Hobbes

 

Thomas Hobbes  est l’un des grands penseurs de l’Etat. Il développe ses idées dans son livre le Léviathan. Il soutient qu’en l’absence d’Etat les hommes vivent dans une situation de guerre permanente « une guerre de tous contre tous » qui ne peut s’achever que par la mise en place d’un pouvoir commun qui doit diriger les hommes.

 

La première étape de sa démonstration réside donc dans une analyse de l’état de nature, situation hypothétique dans laquelle on considère la vie de l’Homme lorsqu’elle n’est pas soumise à l’autorité de l’Etat. Compte tenu de la nature de l’homme dominée par les passions, il semble évident que cette situation ne peut être que celle d’un conflit permanent et généralisé. D’où la citation célèbre reprise par notre auteur  «l’homme est  un loup pour l’homme ».

 

 Or l’état de nature est un état de guerre dont les conséquences sont déplorables et calamiteuses. Par conséquent, les hommes n’ont alors plus d’autres solutions que de faire appel à leurs raisons pour trouver une issue à cette situation : il faut établir un accord pour fonder une société vivable que Hobbes nomme le pacte social.

 

Chaque membre de la société doit passer un pacte par lequel chacun s’engage vis-à-vis des autres hommes à renoncer à l’usage de la force. Il s’agit d’établir un pacte social que l’on peut formuler ainsi : « je renonce à l’usage de la force et à mon droit sur toute chose si toi aussi tu y renonce ».  Le renoncement à l’usage de la force est l’acte fondateur de la vie en  société.

 

Cependant cet engagement, une telle promesse faite à autrui ne peut être effective qu’à la condition de s’engager  dans le même temps que tous accepte de transférer à une autorité commune sa force  personnelle car chacun sait que les promesses des hommes sont trop fragiles pour se maintenir durablement. Cette autorité commune veillera  alors à ce que chacun respecte sa promesse sous peine d’y être contraint par la force publique.  Cette autorité dispose de la force commune et elle peut la diriger contre celui qui a enfreint le pacte social dont les clauses sont définies par des lois.

 

L’autorité de l’Etat se fonde donc sur le besoin de  sécurité des hommes, la protection que l’Etat apporte aux biens et aux personnes qui composent la société. Mais la condition à respecter pour pouvoir bénéficier de sa protection est de limiter sa liberté naturelle (faire ce que l’on désir) en renonçant à son « droit sur toute chose » qui prévalait dans l’état de nature.

 

La théorie politique de Hobbes est considérée comme l’une des premières à faire reposer la légitimité de l’Etat non sur le principe du droit divin mais sur la volonté des hommes à s’unir dans leurs propres intérêts et à établir ainsi l’obéissance sur la décision volontaire et rationnelle des individus. (Cette théorie est dite contractualiste). Cependant les dangers de sa théorie sont également soulignés : l’autorité instituée par les individus est elle-même composée d’hommes (une assemblée) ou d’un homme (roi) qui pourraient très bien abuser du pouvoir qu’ils ont reçu. Rousseau en particulier  critique Hobbes en l’accusant de justifier le despotisme (forme de gouvernement exercée par une autorité unique qui dispose d’un pouvoir absolu et qui l’utilise de façon arbitraire).

 

2. L’Etat garant de la liberté :

 

L’ordre établi par l’Etat n’est pas nécessairement juste comme le montre Rousseau en prenant appui sur la situation qu’il connaît à son époque : dénonçant un véritable pacte des riches, Rousseau constate que les lois sont « faites par les riches pour les riches » dans son œuvre Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les Hommes. La prétendue sécurité apportée par l’Etat n’est qu’un leurre pour les plus faibles exposés aux abus permanents des plus puissants protégés qu’ils sont par l’autorité de l’Etat. Ainsi Rousseau estime que l’Etat ne doit donc pas seulement être fort mais surtout juste pour qu’on puisse le reconnaître comme légitime.

 

Mais qu’est- ce qu’un pouvoir juste ? C’est cette question que Rousseau examine dans son œuvre la plus célèbre : Du contrat social (1762). Dans cette œuvre il pose les basses de l’état de droit, une Etat qui respecte les libertés de l’Homme et qui assure la sécurité des citoyens au moyen de lois valant pour tous.

 

D’abord Rousseau critique dans son œuvre ce qu’il considère comme des justifications abusives du pouvoir politique. Il réfute les théories qui assimilent la société à une famille et le chef d’Etat à un père dont l’autorité serait en quelque sorte « naturelle ». Cette analogie, souvent utilisée dans les théories qui cherchent à justifier la monarchie comme celle de  Bodin repose sur des présupposés que Rousseau récuse tel que la bienveillance du roi ou encore sa supériorité intellectuelle.

 

L’idée d’une supériorité naturelle d’un homme sur un autre et également battue en brèche : il n’y a pas d’esclave par nature comme pouvait le prétendre des auteurs de l’Antiquité. C’est la société qui a créé l’esclavage.

 

Rousseau dénonce aussi  le  contrat de soumission tel qu’on pouvait le voir dans l’Antiquité : l’échange vie contre liberté  qui consiste à laisser la vie sauve aux vaincus  s’il accepte en échange l’obéissance (l’esclavage). Ce pacte est injuste car aucun homme n’a le droit de vie ou de mort sur un autre et dès lors vouloir marchander sa vie contre sa liberté conduit tout simplement à  exercer un chantage que traduit l’expression  « droit du plus fort ». Or cette expression lorsqu’on l’analyse bien n’a aucun sens : la force ne peut pas fonder le droit.    Il faut donc trouver le véritable fondement du droit  et remonter comme le dit Rousseau à une première convention (accord, contrat moral) pour fonder l’autorité politique.

 

Le seul fondement légitime de l’Etat se trouve donc dans la volonté des Hommes à s’unir pour fonder une société.  Pourquoi des hommes se donnent-ils des lois et un pouvoir pour les établir ? Pour assurer leurs sécurité dira- t-on comme Hobbes. Mais cette sécurité sera vraiment préservée affirme Rousseau que si les hommes demeurent libres. (lorsqu’on a donné sa liberté à quelqu’un alors on a plus aucune garantie que sa sécurité soit protégée .

 

 Il s’agit alors  comme l’énonce le Contrat de social de : «  trouver une forme d’association qui défende de tout le force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle  chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même  et reste aussi libre qu’auparavant ».

 

Cette formule annonce déjà les grands principes de la pensée de Rousseau et sa spécificité. En premier lieu, le contrat social uni l’individu et la totalité des autres hommes qui forment la société. Ce  « Tout » est le corps social pris dans son ensemble, c’est-à-dire le peuple.  L’individu ne transfert pas sa force comme chez Hobbes à d’autres hommes mais s’engage  envers tous les individus eux-mêmes fédérés dans un corps social, un peuple qui devient ce qu’en terme juridique on nomme une personne morale.

 

En second lieu, le principe clé est celui de l’autonomie qui seul  peut rendre compatible la liberté et l’obéissance à la loi: (autonome vient du grec auto = soi-même et nomos = loi=) . Il s’agit de se donner à soi-même une loi. En somme, il s’agit d’obéir aux lois que le peuple s’est lui-même donné. Ainsi d’un côté, l’individu en tant que citoyen fait la loi  et en tant que « sujet » ou particulier, il obéi à la loi.  

 

 

Mais comment cette autonomie est-elle possible ?

 

Le principe essentiel est celui de la souveraineté du peuple, c’est le peuple qui détient la légitimité du pouvoir, le peuple  ne peut en aucun cas aliéner (donner ou vendre) sa liberté. Le pouvoir exécutif (les gouvernants) doit alors  de mettre en œuvre la volonté du peuple ou encore exécuter la volonté générale au travers la loi. La loi est l’expression de la volonté générale.

 

Mais la volonté générale existe-t-elle véritablement ?

 

On considère parfois qu’une loi, même votée démocratiquement, n’est que l’expression d’une volonté majoritaire mais pas l’expression de la volonté générale. Ainsi toute loi favoriserait l’intérêt de certaines personnes mais détriment de celui des autres.

 

Pour Rousseau au contraire, il doit  exister un certain nombre de lois fondamentales qui soient bel et bien l’expression d’une volonté générale.  Il faut comprendre que la volonté générale, c’est ce qu’il y a de commun à toutes les volontés particulières.  C’est le noyau commun des intérêts des membres de la société.

 

 Il est par exemple conforme à l’intérêt de tous que les fonctions publiques ne soient pas attribuées en fonction de la naissance mais en fonction des compétences et du mérite.  (ex : postes de fonctionnaires ouvert à tous et attribués par la réussite à un concours). Cela donne une chance à chacun et cela permet à la société d’être administré par les personnes les plus compétentes. De même l’existence d’une Justice indépendante peut également servir d’exemple.

 

Il faut noter que les idées de Rousseau ont inspirés les révolutionnaires de 1789 dans la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. Ils reprennent l’idée de souveraineté du peuple et d’égalité entre les Hommes.  Cependant ces idéaux restent difficiles à mettre toujours en œuvre.

 

III Les remises en cause de l’Etat

 

1/  Marx : la critique de l’Etat bourgeois.

 

L’Etat fait l’objet de nombreuses critiques en particulier au 19ème et 20 ème siècle. L’une de ces grandes critiques est celle du  philosophe et économiste allemand Karl Marx.  Dans son œuvre principale, Le capital, il soutient que dans toutes sociétés, il existe une lutte des classes. Dans l’antiquité, il s’agit de la classe des  hommes libres et celle des esclaves, au moyen âge celle des seigneurs contre les serfs (paysans attachés à une terre) puis  à son époque il s’agit de la lutte entre les bourgeois qui détiennent le capital (les outils de productions) et les prolétaires (ouvriers pauvres qui ne peuvent vendre que leur force de travail).  Pour Marx l’Etat est aux mains des bourgeois qui légitiment et renforcent leurs pouvoirs contre les prolétaires. On peut prendre pour exemple les répressions sanglantes contre les grévistes menées par les soldats lors des mouvements sociaux du 19ème siècle.

 

Cependant Marx pense que pour mener à bien la réalisation d’une société sans classe, il est nécessaire qu’ai lieu une prise du pouvoir de l’Etat par le prolétariat. Cette révolution doit ensuite permettre de conduire  à une nouvelle forme de société, le communisme qui sera l’avènement d’une société sans classe conduisant dans une dernière étape à la disparition de l’Etat devenu inutile.

 

La transition vers le communisme doit se faire en deux étapes, l'une courte de dictature du prolétariat pour garantir le triomphe de la révolution, et l'autre une longue phase d'élaboration du socialisme avec la collectivisation des moyens de production et d'échange. Pour préparer la révolution, le prolétariat doit s'organiser sur les plans politique et syndical. L'internationalisme ouvrier devient la réponse à l'internationalisation des structures d'échange, de production et d'oppression du capitalisme.

 

 

 

2/La critique de Nietzsche

 

Pour Nietzsche l’Etat, « c’est le plus froid des monstres froids » et son mensonge c’est d’affirmer représenter le peuple. L’Etat est perçu comme une sorte de sangsue qui vit au détriment du corps dont il tire sa force et sa vie. Il affaiblit les forces des individus et les prive progressivement de leurs libertés et des leurs capacités de mouvements et d’initiatives. Plus l’Etat se renforce et plus la société pèse et croule sous son poids. Il serait nécessaire alors débarrasser de l’Etat mais pour que ce soit possible, il faudrait que l’homme se régénère et qu’il ait suffisamment de force morale pour pouvoir se passer de maitre.

 

Cette interprétation de l’Etat a pu parfois être mise en rapport avec les thèmes des courants anarchistes dont le mot d’ordre est la disparition de l’Etat.

 

La dénonciation de l’Etat agissant comme un « monstre froid », implacable et sans pitié fait bien sûr penser également aux régimes totalitaires qui furent mis en place au XXème siècles et qui ont conduit à l’exterminations de millions de personnes.

 

 

 

IV / Le rôle du citoyen

 

L’énoncé du sujet « que faut-il attendre de l’Etat » suppose une certaine passivité de la part des hommes, des citoyens or c’est probablement cette passivité qui est le plus a redouté ;  pour éviter les dérives et les abus de l’Etat, il est nécessaire que les citoyens contrôlent les pouvoirs et participent à la vie politique. Dans ce cas il n’est plus question d’attente mais d’action et de participation. Alain (Emile Chartier) souligne l’importance du vote dans son texte : Le citoyen contre les pouvoirs

 

 Voter, ce n'est pas précisément un des droits de l'Homme : on vivrait très bien sans voter, si l'on avait la sûreté, l'égalité, la liberté. Le vote n'est qu'un moyen de conserver tous ces biens. L'expérience a fait voir cent fois qu'une élite gouvernante, qu'elle gouverne d'après l'hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n'exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n'exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s'agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c'est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu'ils méconnaissent les droits des citoyens.

 

Alain, Propos, Le citoyen contre les pouvoirs

 

 

 

Dans ce même ordre d’idée on peut rappeler que Tocqueville dans son œuvre De la démocratie en Amérique montre que le danger de la démocratie réside dans le repli individualiste et dans le désintéressement vis-à-vis de la politique qui est à l’origine d’un nouveau despotisme exercée par un Etat immense et tutélaire. Il ne suffit pas de voter pour exercer pleinement sa liberté politique :

 

« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.

Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?

C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu a peu chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. (…) Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à  n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir à l'ombre même de la souveraineté du peuple. 

ALEXIS DE TOCQUEVILLE – De la démocratie en Amérique  1840

 

 

 

Conclusion

 

L’Etat peut apparaître comme la forme d’organisation politique qui défend le mieux les droits des Hommes mais aussi comme le danger le plus grand qui les menace. Il faut donc que les institutions de l’Etat obéissent à des règles de droit et que les citoyens veillent au bon fonctionnement de la vie politique par son contrôle et  leur  participation active mais entre l’idéal de l’Etat de droit et la réalité de son fonctionnement, il existe toujours un écart plus ou moins importants qui reste à combler. 

 

 

 


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