La première Méditation précise le projet de Descartes ainsi que sa méthode: la recherche d'une connaissance sûre et certaine constitue le but de sa recherche et pour y parvenir Descartes met en œuvre un doute méthodique. S'il existe une connaissance qui résiste à tout doute, elle pourra être considérée comme véritable. 

 

Les connaissances sont analysées selon leurs origines. La première source des connaissances sont les  sens : «  tout ce que j’ai appris, je l’ai appris des sens ou par les sens ». Il s’agit des connaissances empiriques. Cela inclus ce que l’on voit mais aussi ce que l’on a entendu (donc la connaissance par ouï-dire).

 

 

Pour mettre en doute ses connaissances Descartes utilise l’argument de  l’illusion.

  

« Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens, ou par les sens : or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs »

   

L’exemple que l’on pourrait prendre est celui d’un bâton plongé dans l’eau. Celui est droit et pourtant lorsqu’on le plonge dans l’eau, il paraît brisé. Ce que nous voyons n’est donc pas la stricte réalité.   Lorsqu’on observe de loin un tour, elle peut paraître petite alors qu’en réalité elle est très grande, de même elle peut avoir l’air ronde  alors qu’elle est carré …. On pourrait multiplier ce type d'exemples. Le soleil paraît petit et en mouvement, la terre plate et immobiles.

 

 Pourtant certaines perceptions sont plus fortes et plus difficiles à mettre en cause car elles ne concernent pas des objets "hors de nous" mais ce que ressent notre propre corps comme la chaleur lorsqu'on approche la main d'une flamme d'une bougie.  Ainsi Descartes écrit:

« Mais, encore que les sens nous trompent quelquefois, touchant les choses peu sensibles et fort éloignées, il s’en rencontre peut-être beaucoup d’autres, desquelles on ne peut pas raisonnablement douter, quoique nous les connaissions par leur moyen : par exemple, que je sois ici, assis auprès du feu, vêtu d’une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains, et autres choses de cette nature ».

 

 Il faudrait être fou pour douter ce que nous voyons et ressentons de façon aussi claire. 

 

 « Et comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci soient à moi ? si ce n’est peut-être que je me compare à ces insensés, de qui le cerveau est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu’ils assurent constamment qu’ils sont des rois, lorsqu’ils sont très pauvres ; qu’ils sont vêtus d’or et de pourpre, lorsqu’ils sont tout nus ; ou s’imaginent être des cruches, ou avoir un corps de verre. Mais quoi ? ce sont des fous »

 

  Cet argument de la folie n'arrête pas Descartes de douter et il va rapprocher les délires des fous à nos rêves car lorsque nous dormons nous avons aussi des pensées "folles" et dénuée de toutes logiques. Comment  alors être certain que ce nous ressentons si distinctement correspond bien à la réalité puisque dans le sommeil nous pouvons faire des rêves si réalistes qu'ils semblent vraiment réels au point de nous terrifier lorsqu'il s'agit de cauchemar.

 

 Pour mettre en doute ces perceptions, Descartes utilise l’argument du rêve. Lorsque nous rêvons nous avons des perceptions particulièrement vives qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la réalité. Lorsque nous faisons un cauchemar, les perceptions sont ressenties avec la même force que dans la réalité pourtant à notre réveil, nous constatons que tout ce que nous avons ressentis n’était pas réel  mais imaginaire. Comment alors être certain que ce que nous voyons est bien réel ?

 

 "Toutefois j’ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j’ai coutume de dormir et de me représenter en mes songes les mêmes choses, ou quelquefois de moins vraisemblables, que ces insensés, lorsqu’ils veillent. Combien de fois m’est-il arrivé de songer, la nuit, que j’étais en ce lieu, que j’étais habillé, que j’étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit?"

 

(…) Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d’avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions.

 

  

Descartes passe ensuite aux connaissances rationnelles, celles qui ont pour origine la raison.

 

Pour passer des connaissances sensibles aux connaissances rationnelles Descartes prend l’exemple d’un tableau. Le tableau peut représenter quelque chose d’irréel mais les couleurs et les formes qui le composent sont bien réelles.

 

Imaginons un tableau sur lequel est tracé une table, celle-ci n’existe peut-être pas vraiment pourtant nous pouvons analyser la figure que représente la table, c’est un rectangle ou un cercle par exemple et sur ce rectangle et il est possible d’établir des propriétés géométriques. Que la table existe concrètement ou pas, cela ne change rien aux propriétés géométriques.  

 

 

 

Les sciences comme les mathématiques qui étudient les figures et les nombres (indépendamment de l’existence concrète des objets) pourraient donc permettre aux hommes de découvrir des vérités.

 

 

 

« Car, soit que je veille ou que je dorme, deux et trois joints ensemble formeront toujours le nombre de cinq, et le carré n’aura jamais plus de quatre côtés ; et il ne semble pas possible que des vérités si apparentes puissent être soupçonnées d’aucune fausseté ou d’incertitude »

 

 

 

 

 

Descartes à d’ailleurs toujours considéré que les mathématiques étaient la science la plus parfaite et la plus sûre. Descartes doit donc trouver ici des arguments particulièrement forts pour douter des vérités mathématiques.

 

 

 

Il utilise alors l’argument du malin génie (Dieu trompeur) pour douter des vérités rationnelles et des sciences.  Dieu est tout puissant et qu’est ce qui nous garantit qu’il ne nous trompe pas. Le doute devient ici métaphysique, l’Homme se trouve opposé à une puissance infinie qui veut le tromper et qui l’a créé de sorte qu’il se trompe toujours.  Il y a un passage à la limite : Dieu n’empêche pas l’homme de se tromper parfois ce que Descartes exagère de façon hyperbolique : Dieu trompe l’homme toujours.

 

 

 

Descartes à la fin de la première méditation aboutit  à un doute paroxystique, il a totalement remis en cause toutes ces connaissances : l’expérience qui s’appuie sur les sens,  les sciences qui reposent sur la raison et même l’enseignement de la religion. Il est seul face à un toute abyssal.

 

 

 

« Je supposerai donc qu’il y a, non point un vrai Dieu, qui est la souveraine source de vérité, mais un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserai que le ciel, l’air, la terre, les couleurs, les figures, les sons et toutes les choses extérieures que nous voyons, ne sont que des illusions et tromperies, dont il se sert pour surprendre ma crédulité. Je me considérerai moi-même comme n’ayant point de mains, point d’yeux, point de chair, point de sang, comme n’ayant aucun sens »  

 

 

 

Descartes parvenu à ce point rejoint (provisoirement) la position des penseurs sceptiques :  ce qui reste en notre pouvoir c’est de suspendre notre jugement (ne rien affirmer comme vrai ou réel).